Juliette Que Tal
Je veux mourir en me terrant
Loin des mamies de confiture
Vieillir avec des chiens errants
Dans quelque immonde coin de masure
Très loin des miroirs imbéciles
Écouter craquer mes vieux os
Et ma carcasse de fossile
Danser de pauvres vieux tangos
Rouler ma croupe de toupie
Mes rotules et mes guibolles
Pour jacasser avec les pies
Sur la place du Capitole
Mais quelques fois m'embijouter
Faire sonner le vieux métal
Pour un Goya discrédité
Qui voudra peindre son "¿ Que tal?"
Je veux vieillir en glapissant
Quelque chanson patriotique
Debout, martiale, sur les bancs
Avec les pigeons pour public
Avoir pour mains deux vieilles choses
Crochetées d'ongles terrifiants
Pour éventrer les ballons roses
Et faire pleurer les petits enfants
Perdre la tête et m'oublier
Raconter des je ne sais trop quoi
Des histoires de rats éborgnés
En regardant pousser mes doigts
Je veux vieillir en séduisant
Des maîtres-nageurs immatures
Blottir mon corps tout grelottant
Au fin-fond d'un lit d'aventure
Et puis m'emberlificoter
Dans une marée de jupons
Glousser des rires effrités
L'œil en dérive, le verbe abscons
Baiser des lèvres achetées
Pour faire croire à mon vieux cœur
Qu'on peut en toute impunité
Baver sur le sens des valeurs
Je veux vieillir en chevrotant
D'obscènes "Déshabillez-moi"
Vieillir en mots tout frémissants
Et qui vous glaceront d'effroi
Vieillir, je veux bien, mais en fuyant
Cette doucereuse légende
De thym, de pendule d'argent
Et puis de propre et de lavande
Flamber l'argent de ma retraite
Jouer beaucoup sur un "impair"
Pour me réjouir de la tête
Que vous ferez chez le notaire
Je veux vieillir en minaudant
Coquette, même si ça fait mal
Courir le monde en me traînant
Plutôt que d'être à l'hôpital
Je veux vieillir en ouragan
Avant que tout ne soit foutu
Vieillir en termes trépidants
Avant que de n'exister plus
Parce que quand l'heure aura sonné
De vous habiller de grand deuil
Dites-vous bien, mes tant aimés,
Que je serai pas fière, dans mon cercueil