Leo Ferre La Nuit
C'est ma frangine en noir
Celle que j'appelle bonsoir
C'est un gars qu'a son bien
Dans le bistrot du coin la nuit
C'est le bourgeois qui se profile
Sous l'oeil des filles de ville
Qui croit que c'est arrivé
Et qui paie pour monter la nuit
C'est cette dame qui s'en va
Donner sa langue au chat
Et mêle à ses dentelles
La tendresse des gamelles la nuit
C'est un amour qui meurt
Aussitôt qu'il se fait
C'est mille ans de bonheur
Dans un baiser vite fait
C'est cette môme qu'a perdu
La seule fleur qu'elle avait
Des fois qu'on la retrouverait
La nuit, la nuit
C'est le soleil du soir
Qui enfile son peignoir
Dans son arrière-boutique
Sous des becs électriques la nuit
C'est le voleur qui va faire
Des heures supplémentaires
Et qu'est pas tatillon
Sur les allocations la nuit
C'est cet homme qui s'en va
Sa Rolls au bout des bras
Et mêle à ses ficelles
Le trésor des poubelles la nuit
C'est des chevaux qu'on amène
Au derby des côtelettes
Des moutons qui s'promènent
Du côté d'la Villette
C'est un soldat traqué
A sa dernière ronde
Et qui compte les années
Comme on compte les secondes
La nuit, la nuit
C'est une copine qui vend
C'que d'habitude on prend
Et qui pour cent sous de plus
Se met sens dessous-dessus la nuit
C'est un chouette courant d'air
Pour les amours pas chères
Un p'tit hôtel furtif
Pour les mini tarifs la nuit
C'est le mec qui transite
Tout, sauf de l'eau bénite
Et mêle à ses hoquets
Le parfum du beaujolais la nuit
C'est cet homme qui s'promène
La nuit, en plein midi
Et sa canne qui l'entraîne
Dans les autos d'Paris
C'est cet homme qu'a pas vu
La pitié qui passait
Et qu'attend dans la rue
Des fois qu'on lui inventerait
Le jour, le jour